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Unfashionable


Replié dans le château familial, qui sera notre bunker jusqu’à l’automne.

J’avais, en arrivant, fait le vœu de ne plus adresser la parole à quiconque n’appartient pas au domaine. Bien sûr – opposition classique – cinquante paysagistes ont instantanément surgi, brandissant d’épouvantables factures consécutives à de récents et indispensables travaux de restauration dans le parc.

I. – Beau boulot, les gars, observé-je de mon accent le plus gentleman farmer, l’hiver ne nous a pas loupés, hein ?...

– Justement, me réplique-t-on, si vous pouviez faire le nécessaire… parce que comme je disais à votre père au téléphone, on a quand même eu de gros dépassements…

(Je regarde la note et constate que le sympathique artisan ne nous loupe pas lui non plus)

– Le nécessaire, dites-vous ?

– Ben, payer…

– Ah. Vous voulez être payé. Très bien. Vous serez payé.

– Quand ?

– Et vous voulez savoir quand ?

– Oui !

– Vous êtes bien curieux…

Et cela tous les jours, car Papa interdit qu’on « lâche » la moindre « thune » (sic) tant qu’il n’aura pas inspecté, en personne, la bonne tenue de chaque brin d’herbe sur chacun de nos vingt-six hectares – résultat : en fait de n’adresser la parole à personne, je passe mon temps à négocier comme un maquignon corrézien.

L’ancestrale demeure a, elle aussi, passablement souffert. Le pimpant castel de mes aïeux évoque, en ce moment, l’abbaye de Carfax, où le comte Dracula avait en son temps élu domicile. Et je voudrais bien voir notre bobine dans quatre cent quatre-vingt-onze ans… Contre toute attente, mon épouse bien-aimée raffole de l’endroit – le cours lent, l’atemporalité de notre existence ici l’émerveillent – stupéfiant, comme la charge magique de nos vieilles baraques peut, en un clin d’œil, faire d’une fashion victim et serial acheteuse, une tranquille hobereaute aux mœurs d’ancien régime, qui voit la vie « d’en-haut », sereine, inaccessible aux modes et aux chambardements…

Les modes ! Est-il rien de plus aberrant que ces inventions ?

– Il y a pénurie de tissu.

– Dac. Tout le monde s’habille mini et cintré.

– Que fait-on des amatrices de jupes longues et de coupes larges ?

– On leur dit que c’est « la Mode »…

(Variation financière sur le même thème : vous pourriez être portés à croire, avec le simple bon sens, que si « les caisses sont vides », alors qu’elles étaient pleines, c’est que quelqu’un a pris les sous qu’il y avait dedans. Raisonnement puéril. Si vous n’avez plus d’argent, c’est à cause de « la Crise »…)

II. Wotan est le patron de tout ce qui n’est pas « phénomène de mode » – vestimentairement, déjà (vieux manteau élimé et chapeau flagada) – en fait, toutes les œuvres de Wotan peuvent se résumer à l’intraduisible adjectif anglais « unfashionable » – principalement parce qu’il est le maître du conséquentialisme*.

A l’opposé, christianisme et « phénomènes de modes » sont inséparables, de par leur nature commune de captations d’égrégores et leur aversion pour le progrès humain. Les grandes avancées scientifiques ont toujours eu lieu malgré eux. Les « phénomènes de modes » reposent entièrement sur le principe d’obsolescence – les développements de la science et de la technologie aussi – ce qui les distingue, c’est que la science peut être utilisée pour améliorer notre sort – au lieu que la « mode », qui détermine quelle science est fashionable et quelle science ne l’est pas, tue dans l’œuf une fois sur deux. Dispensez la communauté scientifique des « tendances », et les découvertes iront grand train.

III. La « mode » et le christianisme sont des Cultes de la Mort : tous deux produisent des frustrations, des craintes et un état de doute constant que la mort seule peut apaiser. La « mode », comme le christianisme, ne fonctionne qu’avec des humains grégaires – ceux-là même qui ne peuvent se sentir en sécurité provisoire qu’une fois admis dans le groupe.

En réalité, les « phénomènes de mode » n’ont pas d’autre fonction que de nous assouplir aux lendemains qui chantent. D’abord, il y eut le prêt-à-porter – puis le blue-jean – puis les vêtements « unisexe » – puis GAP – l’inévitable conclusion ne devrait plus traîner – et pourquoi pas ?... Si le gouvernement peut interdire la burka, ils peut imposer la blouse mao…

La conception wotaniste de l’élégance doit donc logiquement remonter le courant qui mène de Paul de Tarse à Big Brother – unfashionable ! – puis tuer Paul de Tarse et poursuivre en amont. Je cite toujours, à ce sujet, la merveilleuse réponse que fit Michelle Rodriguez lorsqu’on lui demanda de nommer trois artistes dont les œuvres pussent respectivement symboliser son passé, son présent et son avenir : « 2pac pour le passé, Pink Floyd pour le présent, Bach ou Mozart (« something with a classic standard, a Golden Mean » ajouta-t-elle) pour l'avenir » – voilà ce que j’appelle une Tripartition ascendante ! Tam-tam ghetto – puis rock progressif, encore binaire, mais déjà plus ou moins « spirituel » – pour finir avec Pythagore et fusionner, dans la lumière antique, l’Apollinien (Bach) et le Dionysiaque (Mozart) !

IV. « Ses sbires sur les talons, [Théophile Gautier] s'annonce chez le tailleur. Regard de condottiere, verbe haut, le poète exige « un pourpoint taillé dans la forme des cuirasses de Milan ». Couleur ? Satin cerise peut-être... ou vermillon de Chine. Mine effondrée, regard ahuri du tailleur : ‘Mais, monsieur, ce n'est pas la mode. — Eh bien ! ce sera la mode — quand nous l'aurons porté une fois ! » (Arnould de Liedkerke)

Selon moi, la haute-couture est un Art Sacré – l’homme étant un dieu enfermé dans le corps d'un animal, les vêtements dont il pare ce corps doivent témoigner de sa divinité – de son ipséité – de son être profond – unique – donc unfashionable – rien n’est, par définition, plus contre-nature que l’uniforme : si le Divin n'a pas créé deux êtres identiques dans tous l’univers, l’idée même de « modes » vestimentaires imposées par l’industrie textile est sacrilège.

Pourrait-il exister un « uniforme wotaniste », pour que nous fassions pièce aux Quakers, aux Shakers, aux Mennonites, aux Hindi ?... Paraphrasant l’homme que j’admire le plus au monde, je dirais, dans ce cas, que l’apparence de la femme wotaniste doit évoquer la Valkyrie, et celle de l’homme wotaniste l’übermensch nietzschéen** – mais de telles directives n'ont aucun sens au plan littéral – votre petite sœur ne doit pas chevaucher un loup en hurlant, ni sabrer les garçons qui lui plaisent !! – Uniforme et Wotanisme sont antithétiques.

Il est très révélateur que, lorsque la Tyrannie produit un mouvement de masse (christianisme, communisme, nouvel ordre mondial), celui-ci sécrète aussitôt des grappes de zombies en tenues uniformes (moines, camarades ouvriers, GAP)...

- 10 juin 2011

*L’éthique téléologique oppose généralement le conséquentialisme (ensemble des théories morales qui soutiennent que les conséquences d'une action donnée doivent constituer la base de tout jugement moral de ladite action) aux éthiques déontologiques (propres aux systèmes dits « de droite ») et aux éthiques de vertu (propres aux systèmes dits « de gauche »). Or, affirmant que tout ce qui contribue à préserver l’existence de notre peuple et l’avenir des enfants blancs est bon, l’éthique wotaniste est un conséquentialisme-type. Wotan lui-même, dont tous les actes ont pour finalité de détourner du monde la menace de Ragnarok, et qui ne trouve, à cette fin, aucune ruse trop perfide, aucune bataille trop sanglante, aucun sacrifice trop lourd, peut être vu comme l'épitomé du conséquentialisme.

** La citation exacte est : < Elle doit être un Charlie’s Angel à la puissance 10 et lui le méchant typique d’un film de propagande hollywoodienne >.

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