Butt

Paisible entretien dans l’ombre de la nuit

Abigaïl B : Et ce nouveau blog, alors ? Tu vas encore tout exploser, dans tous les sens ? 

Sir Shumule : Mais depuis qu’est sorti le dernier clip de Shakira, j’explose autant que je peux !… 

AB : Lol. 

Sir Shumule : Je plaisante… je tiens à l’aise jusqu’à la cinquante-quatrième seconde… 

AB : C’est donc bien le butt de Shakira le problème, et non la tronche d’esthéticienne de Rihanna ! 

Sir Shumule : Il y a des esthéticiennes charmantes, mais aucune ne l’est jusqu’à l’éjaculation précoce… et cela vaut mieux, d’ailleurs, pour la sérénité de mes soins du visage… Si une esthéticienne était vraiment sexy, elle serait Rihanna, et non esthéticienne…

AB : Des soins du visage, maintenant ! Tu es gay !!!

Sir Shumule : Non, je ne suis pas « gay ». J’ai éjaculé une fois sur un garçon par maladresse au cours d’un threesome. Ça ne compte pas. 

AB : Est-il exact que, lors de ton tour du monde, l’année dernière, tu sois passé par le Congo dans l’espoir de (je cite) « rencontrer l’équipe de l’ingénieur Jean-Patrice Kéka, créateur de la fusée Troposphère V » ? 

Sir Shumule : Absolument ! Fix a remué  ciel et terre pour obtenir que la France décore ces chercheurs, mais – obscurantisme et bureaucratie – on a repoussé sa demande, tout fils de diplomate qu’il est… Personnellement, j’ai consacré mon séjour au Zaïre à mettre l’essentiel des psychotropes vaudou au banc d’essai : Belangwa, Bombambo, Kongolamba, Misosoli, Yombela Nkasa, etc . Je raconterai ça en son temps… 

AB : Si tu savais les bruits qui ont couru sur toi en ligne… 

Sir Shumule : Que veux-tu ?… Les gens ont un tel besoin de ma présence, que tout leur est bon pour la recréer… J’ai observé ça des milliards de fois… C’est un problème de connexion magique… Les prêtres Shintō (je reviens du Japon) associent ce phénomène au plus important de leurs mythes :  Amateratsu, déesse du Soleil, ancêtre de la lignée impériale, se retire dans une grotte, et refuse d’en sortir : à partir de là, disent les Écritures sacrées, « toutes les transactions doivent se faire à la lumière artificielle »… La connexion est un besoin vital pour l’homme… En l’absence d’une source d’énergie pure, il se rabat sur les succédanés… puis sur les excréments… 

AB : On a dit que tu étais mort… On a dit que tu étais devenu rabbin… On a dit que tu étais devenu moine chrétien orthodoxe… 

Sir Shumule : Eh bien, figure-toi qu’en Roumanie, contrée assez peu folichonne où je me documentais sur Vlad l’Empaleur…

AB : Ahah ! C’est pour ça que tu ressembles à Dracula maintenant !… Enfin, j’hésite entre Dracula et The Mask… 

Sir Shumule : Et pour un Païen, c’est un peu limite, puisque le Mask du film en question est un masque de Loki… En Roumanie, disais-je… 

AB : Donc, Loki est un dieu cool ! 

Sir Shumule : Bien sûr, < l'Ase menteur > (Ská, 16) est cool, mais il est amant d’Angrboda, la Ruine de l’Âme, et père de Fenrir, la Tyrannie – Loki est le discours, Angrboda l’application pratique, et Fenrir le résultat. Ainsi, le discours chrétien est cool (« Nous sommes tous frères », « Aimez-vous les uns les autres », « Tendez l’autre joue », « Ne tuez pas »…), son application l’est moins (subversion spirituelle du peuple blanc), et son résultat ne l’est pas du tout (torture, bûchers, joyeusetés de l’Inquisition…) ; le discours communiste est cool (« Nous sommes tous frères », « C’est le grand partage », « Les lendemains qui chantent »…), son application l’est moins (subversion intellectuelle du peuple blanc), et son résultat ne l’est pas du tout (Holodomor, Polpot, Goulag, la moitié de la planète soumise au régime le plus inhumain de l’histoire connue…) ; le métissage, c’est cool (« Nous sommes tous frères », « Il n’y a qu’une seule race, la race humaine », « Brazil 2014 »…), sinon qu’il requiert la perversion totale des instincts de l’homme par une propagande constante (application), d’où résulte un génocide pur et simple… Déjà, Fenrir montre le bout de l’oreille : « le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit »… Or, de ce slogan à « quiconque ne marie pas sa fille à un Gabonais est un fasciste à pendre », il y a peu de distance… En Roumanie, donc… 

AB : ça me rappelle cette soirée très élégante durant laquelle un nabot affublé de pieds en dedans et de lunettes énormes s’était écrié, à l’une de tes remarques  : « Mais ! mais ! mais ! vous êtes raciste ?!? » – Ton épouse lui avait joyeusement répondu à travers la salle : « A 50% ! Je l’ai surpris hier se masturbant devant une vidéo de Nicki Minaj. Sa queue était dure comme du bois ! Il n’est raciste qu’au-dessus de la ceinture »… Sensation prolongée dans l’assistance, comme on disait au XIXème siècle… 

Sir Shumule : C’était le bon temps… La soirée, je veux dire… Et donc, en Roumanie…

AB : Bon, mais tu es au moins The Mask par les fringues !… Richelieu vernies bordeaux, chemise de soie mauve, pantalon de velours blanc cassé… On croirait Army of Lovers… 

Sir Shumule : Ou Jimmy Page dans les années soixante-dix… Ne jouant pas de guitare, c’est mon point commun avec ce fabuleux artiste… Enfin, ça, et les filles mineures… En Roumanie, disais-je donc, il m’est arrivé une fois de visiter un monastère orthodoxe : le frère supérieur y avait des regards qui vous enculaient à vingt pas. 

AB : J’ai même lu que tu étais fan de Lara Fabian !…

Sir Shumule : Charlot – cette vipère – a monté en épingle une histoire très simple… Il se trouve qu’en avril dernier, faisant provision d’Häagen Dasz dans une épicerie de province archibondée, je tombai, au détour d’un rayon, nez-à-nez avec la couverture de Gala, où Lara Fabian posait nue. Je fus pris, à ce spectacle, d’une érection si violente, si subite, si abominablement monstrueuse, que je dus, en catastrophe, dissimuler mon entrejambe à l’aide d’une pizza surgelée.  Le contact froid sur ma queue permit que je me détendisse, et pusse tranquillement reprendre mes emplettes… Aussi bien, je ne garde de cette aventure qu’un regret sincère pour le type qui a finalement acheté la pizza… Plus tard, j’ai beaucoup apprécié que Lara mime une fellation sur un gâteau, à la télévision belge. On n’imagine pas Céline Dion faisant de même. Ou, plutôt, on préfère ne pas l’imaginer. 

AB : Ah ! On m’a dit aussi que l’affaire Léonarda t’avait fouetté le sang, et que tu couchais avec une gitane… 

Sir Shumule : Ce n’est qu’à moitié vrai. En réalité, un très bon ami, grand esthète, grand collectionneur,  m’avait laissé, pour une quinzaine, les clés de sa villa de Grasse, que j’occupais seul. La veille de son retour, alors que je lisais les Lettres du baron de Pollnitz en déjeunant, sonneries répétées au portail… Je consulte l’écran de surveillance, et suis assez surpris d’y voir Julia Migenes Johnson en costume de Carmen… Je veux dire : un sosie parfait, mais for real, et à peine vingtennaire : ultra-gitane, ultra-bandante, ultra-visiblement bonne…  Je vais lui ouvrir, et constate que c’est encore plus visible à la ville qu’à l’écran… Alors bon : elle me dit qu’elle vend je ne sais quoi, que sa famille fait du rempaillage, etc. – Aurais-je, par hasard, des chaises à restaurer ? – « Plein ! » m’écrie-je à tout hasard – Pourrait-elle les voir, afin de me donner un ordre de prix ? – « Comment donc ! Je vous en prie, entrez ! » – Je sais bien (cette blague) qu’il ne s’agit pour elle que de repérer l’intérieur des lieux en vue d’un cambriolage prochain, et que mon malheureux ami peut d’ores et déjà dire adieu à son mobilier Régence, à ses bibelots précieux et à ses toiles de maîtres !… d’autant que, parvenant assez vite à mes fins, je fais, tout l’après-midi, vigoureusement l’amour à ma bohémienne dans la chambre du propriétaire (que je prétends être), où se trouvent les pièces les plus intéressantes… Quelle volupté !… Aleister Crowley, qui eut cinq mille maîtresses, écrivit son plus beau poème (et le plus beau poème en langue anglaise of all time, comme dirait Kanye) pour célébrer une nuit passée auprès de certaine gitana… La mienne était si ardente qu’elle me valut deux séances de kiné, des ecchymoses de roller-derby girl, et un mois sous Fungizone… c’est une belle aventure… Hélas ! A peine remis d’un ultime orgasme (que, du reste, j’avais pris pour un début d’AVC), j’entends ma visiteuse dire que nous sommes désormais « promis », et que toute sa famille va venir s’installer dans « ma » grande maison… Elle ajoute avec un ton sombré, pas rassurant du tout, que ses frères et ses cousins ne « comprendraient pas si [je] ne [la] prenais pas chez moi » après tout ce que je lui ai fait cet après-midi…

AB : Ouch ! Comment t’es-tu tiré d’affaire ? 

Sir Shumule : Mais le plus simplement du monde… La dégelée d’endorphines me prêtait un aspect poupon, gage d’innocence… J’ai béatement murmuré : « Bien sûr, ma chérie : téléphone-leur de venir dîner, je vais aller faire les courses pour la fête – viande ou poisson ? – installe-toi tranquillement… » – et j’ai filé sans demander mon reste… N’ayant, évidemment, pas cherché depuis à joindre mon hôte, je n’ai jamais su le fin mot de l’histoire… 

AB : Dé-plo-rable. Pour un fan de Can’t remember to forget you, tu n’es pas très ska… Tu n’es vraiment pas ska du tout… Es-tu toujours anarchiste de droite ? 

Sir Shumule : Anarchiste de droite ?!? Mais je ne l’ai jamais été ! Pour moi, le régime légal de la France… 

AB : … s’arrête à la déposition de Childéric III ! On sait !

Sir Shumule : Voilà ! Je suis trop vieille-France, trop bien élevé pour être anarchiste. Je hais tout mouvement révolutionnaire. C’est ce qui donne à mon admiration pour Wodenson une base paradoxale.

AB : Tu as protesté contre le mariage gay, au moins ? 

Sir Shumule : Bien sûr que non. A l’époque j’ai écrit : « je suis pour le mariage gay, à condition que les deux filles soient canons »… Et aussi : « Il est normal qu’un mariage gay inquiète les chrétiens, puisque c’est juste après avoir épousé son affranchi Sporus que Néron s’est mis à les jeter aux fauves »… Je ne retiens de cette affaire que la déclaration d’Alain Delon : « c’est contre-nature », jugement assez culotté de la part d’un fils de boucher qui doit sa carrière, sa fortune et sa gloire au fait d’avoir été, à dix-sept ans, le giton de Philippe Erlanger, fondateur du festival de Cannes et pédéraste fameux (et hideux : on le surnommait « Il-est-Vilaine »). 

AB :  Sale commère ! On dit que tu es « Saint-Simon sous acide » alors que tu es Viel-Castel sous cocaïne ! 

Sir Shumule : Non, je défends une cause : le Nouvel Æon… Ce que les Mages ont semé, ce qu’a couvé l’hiver chrétien, doit maintenant croître et éclore… En fait de mœurs, une La Rochefoucauld disait qu’ils sont « pour le peuple », c’est-à-dire pour les esclaves… A gens exceptionnels, mœurs exceptionnels… Moi, j’admets tout… La scatophilie de Jean-Paul Belmondo, la zoophilie de Jeanne Moreau, Proust ne pouvant jouir qu’au spectacle de rats s’entredévorant… le nombre invraisemblable de fois que Maurice Chevalier dut se rendre aux urgences pour se faire extraire une bouteille de champagne du rectum… les diamants qu’Arthur Meyer, fondateur du Gaulois, glissait dans le sien, avant de les y faire chercher par sa maîtresse, la comédienne Alice Regnault… Max Jacob se faisant défoncer, de grand matin, par les forts des Halles, avant d’aller dire son chapelet sur les marches de la basilique du Sacré-Cœur… Victor Hugo arrêté pour exhibitionnisme au bois de Boulogne, et ayant, à l’égard de sa petite-fille, plus d’attachement qu’il n’appartient à un grand-père… tout cela est fantastique, parce que c’est la Vie qui pulvérise l’image d’Épinal ou le sitcom américain, c’est-à-dire l’Idole… Voilà le Humor of the Gods, qui est le véritable Hammer of the Gods…

AB : Plus personne n’aime la vérité… 

Sir Shumule : Parce que tout le monde ment… L’Edda enseigne qu’un des noms de l’Éveillé Suprême est Herblindi, « Celui qui éblouit, qui aveugle l’hôte » : il est dit, en effet, que si l’on nous permettait de voir la poubelle spirituelle où nous pataugeons à ce point de l’histoire humaine, nous ne survivrions pas une seconde… On nous éblouit donc, pour nous préserver…  Tout le monde ment… Les politiques… les médias… les professeurs… tes parents… surtout tes parents… Il n’y a qu’une chose qui ne mente pas : l’éros primordial – ça, c’est du solide… Nos Ancêtres l’avaient compris, et punissaient de mort quiconque approchait la présence de Nerthus, la Grande Déesse Callipyge… C’est elle, l’Arcane des Arcanes… Nous venons d’elle, tendons vers elle, et elle nous stimule en chemin… Gustave Courbet a parfaitement résumé la chose dans son Origine du Monde… Il n’y a de Vrai, en définitive, que le butt de Shakira…

Dans une île de l’Océan s’étend une forêt sainte. Elle abrite un char consacré, que dissimule un voile. Un seul prêtre est autorisé à le toucher. Il prend conscience de la présence de la déesse dans le sanctuaire, fait atteler le char par des génisses et le suit avec grande vénération. Viennent alors des jours de liesse. C’est la fête dans les endroits que la déesse juge dignes de l’accueillir et de l’héberger. On n’entame pas de guerres, on ne prend pas les armes. Tout fer est enfermé. Ce n’est qu’alors qu’on connaît le calme de la paix, ce n’est qu’alors qu’on l’apprécie. Il en est ainsi jusqu’à ce que le même prêtre rende à son temple la déesse comblée par son séjour chez les mortels. Ensuite le char et le drap et, si on le trouve crédible, la divinité elle-même sont immergés dans un lac à l’abri des regards. Ce rite est accompli par des esclaves que ce même lac immédiatement engloutit. De là, la peur du mystère et l’inviolable ignorance de ce que seuls voient des êtres qui vont mourir. – Tacite, La Germanie, XL, 3-4

- 26 février 2014